Alors que le nombre de consommateurs de cocaĂŻne a doublĂ© entre 2022 et 2023 en France, selon lâObservatoire français des drogues et des tendances addictives, lâONG MĂ©decins du monde attaque lâĂtat français devant le tribunal administratif. Lâorganisation a annoncĂ© lundi 14 avril le dĂ©pĂŽt dâune plainte, accusant la France dâ« inaction », voire dâ« obstruction » aux expĂ©rimentations des haltes soins addictions (HSA), communĂ©ment appelĂ©es « salles de shoot ». La France est dotĂ©e de deux de ces salles de consommation de drogue et dâaccompagnement pour les personnes dĂ©pendantes.
Pour lâinstant au stade de simples expĂ©rimentations, lâONG MĂ©decins du monde accuse lâĂtat dâempĂȘcher le bon fonctionnement les deux « salles de consommation Ă moindre risque », aujourdâhui nommĂ©es « haltes soins addictions » (HSA). De plus, depuis 2016, la France ne compte compte que deux HSA : Ă Paris et Strasbourg. Mais dâautres auraient dĂ» voir le jour, notamment Ă Marseille, Lille ou Lyon. La France ne respecte donc pas ses engagements en matiĂšre de santĂ© publique, selon lâorganisation. MĂ©decins du monde accuse dont lâĂtat dâempĂȘcher de nouvelles HSA.
Ces salles sâadressent aux personnes les plus dĂ©munies et exclues du systĂšme de soins. Leur expĂ©rimentation doit, en principe, sâachever fin 2025. Alors lâONG MĂ©decin du monde, soutenue par dâautres associations, souhaite quâelles se pĂ©rennisent et saisit la justice administrative « pour inaction avec le lancement de deux recours en contentieux », a dĂ©clarĂ© CĂ©line Debaulieu, sa rĂ©fĂ©rente sur la rĂ©duction des risques, devant la presse.
« Il y a une carence dans le fait de mener cette expĂ©rimentation », dĂ©clare Adrian Peurey-Calazel, juriste au sein de lâONG. « Il y a une obstruction active de lâĂtat pour ouvrir des salles. Par exemple la salle de Marseille pour lequel on fait un recours oĂč il y a carrĂ©ment eu une intervention politique de la part du gouvernement pour empĂȘcher lâouverture de cette salle. »
Parmi ses objectifs, la dĂ©marche des associations vise Ă obtenir « lâannulation du refus, implicite, de ne pas ouvrir de HSA Ă Marseille », aprĂšs « une obstruction politique », a-t-il dit.
Ă Marseille, bien que validĂ© par diffĂ©rents acteurs sanitaires, dont lâAgence rĂ©gionale de santĂ© (ARS) et lâAP-HM, le projet a fait les frais dâ« une dĂ©cision politique, prise au dĂ©triment des enjeux de santĂ© », selon les requĂ©rants. En fĂ©vrier 2024, la Marseillaise Sabrina Agresti-Roubache, alors secrĂ©taire dâEtat chargĂ©e de la Ville, sâĂ©tait ainsi fĂ©licitĂ©e dâavoir « rĂ©ussi Ă stopper lâinstallation dâune salle de shoot Ă Marseille », a rappelĂ© Mme Debaulieu.
Les requĂ©rants dĂ©plorent un climat politique surtout « rĂ©pressif ». Pour eux, « lâinaction » des pouvoirs publics, « voire leur obstruction, face Ă la crĂ©ation de haltes soins addictions cause des prĂ©judices et relĂšve de la faute », aux dĂ©pens de la santĂ© des usagers et usagĂšres de drogues.
« Une faute grave », car lâĂtat doit mener des politiques de santĂ© publique, selon lâONG. Un point de vue qui est partagĂ© par la FĂ©dĂ©ration addiction, qui rĂ©unit des addictologues. Catherine Delaurme en est la prĂ©sidente. Pour elle, les HSA permettent aux personnes marginalisĂ©es de consommer sainement, mais surtout « dâavoir un coin pour se reposer, dâĂȘtre en contact avec des travailleurs sociaux », souligne-t-elle. « Câest une des portes dâentrĂ©e du dispositif pour les plus prĂ©carisĂ©s et les plus marginalisĂ©s qui sont sous les radars. »
Une situation quâa longtemps endurĂ©e Frank. « Jâai 55 ans. Ă 15 ans, jâai Ă©tĂ© mis en foyer, raconte-t-il. Ă 19 ans, je me suis retrouvĂ© une premiĂšre fois Ă la rue jusquâĂ lâouverture de la salle, ce qui mâa permis de refaire les papiers, enfin reprendre une vie Ă peu prĂšs normale ». Il a ensuite Ă©tĂ© embauchĂ© au sein de la structure.
LâannĂ©e derniĂšre, il a participĂ© Ă accompagner les 739 personnes qui sont venues dans ces structures.
Pour les associations Ă lâorigine de la procĂ©dure, les haltes soins addictions ont « prouvĂ© leur efficacitĂ© »: elles « offrent des services de soins, de suivi social, dâhĂ©bergement et rĂ©duisent les risques liĂ©s Ă la consommation ». Elles font valoir que « divers rapports, y compris ceux demandĂ©s par le gouvernement », le dernier datant de lâautomne 2024, « soulignent la nĂ©cessitĂ© dâintĂ©grer ce dispositif dans le droit commun ».
De nombreux rapports internationaux, notamment de lâUnion europĂ©enne, indiquent lâefficacitĂ© des « salles de consommation Ă moindre risque », menant Ă©galement Ă une diminution de la criminalitĂ© dans les quartiers qui les entourent.

