Mégabassines : un modÚle économique en train de couler

La coopĂ©rative poitevine responsable de la retenue de Sainte-Soline est fragilisĂ©e par les derniĂšres dĂ©cisions judiciaires. Mais au-delĂ  de ces difficultĂ©s, c’est toute l’architecture Ă©conomique des mĂ©gabassines qui est compromise.

Yann Philippin et Amélie Poinssot 1 novembre 2025 à 10h38

Entre pro et antibassines, la tension est Ă  son comble. Deux manifestations se faisaient face, vendredi 31 octobre au soir Ă  Poitiers, dans la Vienne. DĂ©fenseurs et dĂ©fenseuses de ces stockages d’eau destinĂ©s Ă  l’irrigation agricole vont jusqu’à afficher sur la voie publique des menaces de mort envers les opposant·es.

Mais d’autres tensions, plus sourdes, montent aussi Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme des cercles favorables aux mĂ©gabassines. C’est le cas au sein de la Coop de l’eau 79, qui construit et exploite les retenues des Deux-SĂšvres, dont l’emblĂ©matique rĂ©serve de Sainte-Soline fait partie. Lors des derniĂšres assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales, « ça a grincé », confie un participant, à cause des tarifs de l’eau, jugĂ©s trop Ă©levĂ©s pour un service dĂ©faillant. Et pour cause : sur les seize bassines prĂ©vues (dix-neuf Ă  l’origine), seules quatre ont Ă©tĂ© construites, dont trois sont en activitĂ© aujourd’hui.

Pierre*, un cĂ©rĂ©alier membre de la coopĂ©rative jusqu’à son rĂ©cent dĂ©part Ă  la retraite, explique les raisons de la colĂšre. Depuis la crĂ©ation de la Coop en 2011, le tarif de l’eau a fait la culbute : annoncĂ© au dĂ©part Ă  7 centimes, le prix du mĂštre cube (m^(3)), sans compter la redevance de l’eau, s’élĂšve aujourd’hui Ă  34 centimes pour la quinzaine d’exploitations raccordĂ©es aux bassines existantes et Ă  16 centimes pour les nombreuses qui ne sont pas raccordĂ©es. Lesquelles continuent Ă  fonctionner avec leurs forages en attendant l’amĂ©nagement des futures retenues, sans garantie de pouvoir disposer des volumes qui leur sont thĂ©oriquement allouĂ©s.

C’est le vĂ©cu de Pierre, qui arrosait 40 hectares de maĂŻs. Sa derniĂšre facture ? 8 000 euros environ, pour un volume annuel de 55 000 mÂł, que l’eau soit consommĂ©e ou non au final. Pourquoi payer autant, qui plus est pour une quantitĂ© qui n’est pas toujours intĂ©gralement utilisĂ©e ? « Cet argent, c’est la mise de fond pour avoir le projet, rĂ©pond Pierre. On nous l’a promis pour dans deux ou trois ans. »

Sauf que cette promesse semble de plus en plus irrĂ©alisable. La Coop de l’eau traverse une sĂ©vĂšre crise financiĂšre, au point que plusieurs exploitants Ă©voquent un risque de « faillite », comme l’a rapportĂ© le mĂ©dia en ligne Reporterre. Si la structure a souffert d’une hausse de ses coĂ»ts et de dĂ©cisions de justice dĂ©favorables, l’enquĂȘte de Mediapart montre que le modĂšle Ă©conomique des mĂ©gabassines est structurellement dans l’impasse, malgrĂ© un financement public massif.

Une dette de plus de 6 millions d’euros

La Coop de l’eau, qui n’a pas rĂ©pondu Ă  nos questions malgrĂ© nos relances, explique Ă  ses adhĂ©rent·es que les problĂšmes financiers viennent de facteurs externes : hausse des prix des matĂ©riaux et de l’électricitĂ©, et dĂ©penses liĂ©es aux manifestations Ă©cologistes et aux dĂ©gradations. Depuis les manifestations Ă  Sainte-Soline en mars 2023, il y a eu plusieurs « dĂ©bĂąchages » de bassines dans la rĂ©gion, mĂȘme si celles de la Coop de l’eau n’ont pas Ă©tĂ© directement touchĂ©es. « La hausse du prix ne serait pas si importante s’il n’y avait pas des sites Ă  protĂ©ger et Ă  rĂ©parer », fulmine Guillaume Soulisse, un agriculteur de la coopĂ©rative.

Les comptes de la Coop de l’eau confirment l’importance de ces dĂ©penses : 456 000 euros de frais de « gardiennage », « vidĂ©osurveillance » et autres « barriĂšres » ont Ă©tĂ© comptabilisĂ©s l’an dernier comme des investissements, alourdissant d’autant le coĂ»t des quatre bassines existantes.

Mais ces difficultĂ©s masquent un problĂšme plus profond : la Coop manque cruellement d’argent pour financer la construction des douze autres rĂ©serves prĂ©vues. En 2023, elle avait accumulĂ© 3,2 millions d’euros d’impayĂ©s auprĂšs de ses fournisseurs. L’ardoise a Ă©tĂ© rĂ©duite Ă  900 000 euros l’annĂ©e suivante, mais la coopĂ©rative a Ă©tĂ© obligĂ©e d’emprunter aux banques pour rembourser ses fournisseurs. Cela a encore alourdi sa dette, qui culmine Ă  6,3 millions d’euros en 2024.

La structure vit en outre sous perfusion d’argent public. Au total, depuis sa crĂ©ation, elle a touchĂ© plus de 8,35 millions d’euros, que ce soit sous la forme de subventions d’investissement (7,6 millions jusqu’en 2024) ou de subventions d’exploitation (plus de 750 000 euros sur la pĂ©riode 2019-2023).

C’est ainsi que les quatre premiers chantiers de bassines, dont le coĂ»t total revient Ă  12,5 millions d’euros, ont Ă©tĂ© intĂ©gralement financĂ©s par la dette et l’argent public. Et selon notre analyse des comptes, les contributions des agriculteurs sont Ă  peine supĂ©rieures aux frais de fonctionnement. Tel le tonneau des DanaĂŻdes, l’argent injectĂ© ne permet pas de faire fonctionner la structure, et la Coop risque d’avoir bien du mal Ă  rembourser ses dettes.

Quant au financement des douze bassines restantes, qui reviendrait, selon nos calculs, Ă  plus de 40 millions d’euros, il paraĂźt bien compromis. Selon nos informations, la structure n’a mĂȘme pas les fonds nĂ©cessaires pour lancer la construction de la prochaine rĂ©serve planifiĂ©e, celle de Saint-Sauvant, dont le chantier devait dĂ©marrer l’annĂ©e derniĂšre. « MĂȘme avec les subventions, le systĂšme va mourir », pronostique Pierre.

De nombreux exploitant·es, asphyxié·es par la hausse des prix de l’eau et excĂ©dé·es d’attendre les retenues promises, ont mĂȘme cessĂ© de rĂ©gler leurs factures. Lors de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de 2023, une quarantaine de mauvais payeurs avaient Ă©tĂ© recensĂ©s. Un an plus tard, le montant total des impayĂ©s atteignait 941 000 euros. Dont 313 000 euros classĂ©s comme « crĂ©ances douteuses », c’est-Ă -dire probablement irrĂ©cupĂ©rables.

Une coopérative qui perd ses adhérents

Au cƓur des dĂ©saccords, il y a le fait qu’en cas d’arrĂȘtĂ© sĂ©cheresse, comme c’est souvent le cas dans la rĂ©gion en dĂ©but d’étĂ©, seules les quelques exploitations raccordĂ©es aux bassines ont encore accĂšs Ă  l’eau. Pour les autres, sauf dĂ©rogation, des rĂ©coltes entiĂšres peuvent ĂȘtre perdues. Mais c’est aussi le systĂšme de facturation des volumes d’eau, sans lien avec la consommation rĂ©elle, qui pose problĂšme.

Guillaume Soulisse est exploitant bio en grandes cultures. En attendant la construction de la bassine sur son secteur, il paye pour 80 000 mÂł d’eau par an, alors qu’il n’en consomme que 50 000 Ă  60 000. Cette facturation dĂ©connectĂ©e des volumes « fait partie des points de friction », nous dit-il. « Le prix pose problĂšme, il faut qu’on arrive Ă  le faire baisser. »

Cela semble aujourd’hui impossible. Sur les prĂšs de 300 adhĂ©rent·es que compte la Coop, une dizaine d’agriculteurs l’ont quittĂ©e l’an dernier, selon Reporterre, ce qui va rĂ©duire les revenus. Et d’autres pourraient suivre. C’est le cas des maraĂźchers, qui ne bĂ©nĂ©ficient pas du systĂšme des bassines et qui subissent malgrĂ© tout la hausse du prix de l’eau. C’est le cas, aussi, des exploitations du nord-ouest de la Vienne, intĂ©grĂ©es Ă  la mĂȘme gestion collective alors qu’aucune rĂ©serve n’est prĂ©vue chez elles.

C’est de ce coin-lĂ , le bassin du Thouet, que viennent de nombreux impayĂ©s aujourd’hui. StĂ©phane Clisson fait partie du mouvement. « Nous n’avons jamais reçu de service de la part de la Coop, nous n’avons aucun intĂ©rĂȘt Ă  continuer Ă  payer ses frais de fonctionnement », indique-t-il.

À la tĂȘte, avec deux associĂ©s, d’une exploitation laitiĂšre en bio, cet Ă©leveur s’est dĂ©jĂ  adaptĂ© Ă  produire avec moins d’eau. Et cela fait un moment qu’il a de sĂ©rieux doutes sur le modĂšle Ă©conomique de la Coop : « Ça a commencĂ© avant les dĂ©gradations des bassines : je voyais bien que l’irrigation avec les bassines n’était pas rentable. Et je ne vois pas comment, Ă©conomiquement, le projet peut aboutir. Les autres bassines ne pourront pas ĂȘtre construites sans un soutien financier de l’extĂ©rieur. »

Un ultime coup de massue judiciaire est survenu le 26 septembre : la cour d’appel administrative de Bordeaux, confirmant un jugement de premiĂšre instance, a ordonnĂ© une baisse de 25 % des prélèvements d’eau dans le secteur, afin de prĂ©server la ressource. « Le volume provisoire allouĂ© par le juge correspond au volume thĂ©orique des seize mĂ©gabassines, explique Marie Bomare, juriste Ă  Nature Environnement 17, l’une des associations Ă  l’origine du recours. Cela signifie que si toutes ces bassines sont construites, seuls leurs bĂ©nĂ©ficiaires auraient encore accĂšs Ă  l’eau sur le secteur. Ce serait un accaparement, au dĂ©triment des non-raccordĂ©s, comme les maraĂźchers. »

Guillaume Soulisse, membre de la Coop, confirme que le regroupement d’agriculteurs va devoir faire avec moins d’eau : « C’est un nouveau volume gĂ©nĂ©ral qui doit ĂȘtre rĂ©parti entre tous les irriguants, la dĂ©cision de justice implique donc de revoir nos volumes Ă  la baisse. » Et moins d’eau vendue, c’est encore moins de recettes pour la coopĂ©rative.

Le soutien du département

L’an dernier, la mĂȘme cour d’appel avait retirĂ© l’autorisation de la mĂ©gabassine de Sainte-Soline et de trois autres retenues encore en projet. Les sites se trouvent sur des zones de reproduction de l’outarde canepetiĂšre, un oiseau de plaine agricole menacĂ©, et la Coop de l’eau n’avait pas fait la demande de dĂ©rogation nĂ©cessaire. Selon nos informations, la demande a finalement Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e pour Sainte-Soline, mais en attendant la dĂ©rogation, le pompage d’eau est interdit.

À l’évidence, la Coop de l’eau 79 n’a pas trouvĂ© la solution pour se remettre Ă  flot. Elle s’en remet mĂȘme Ă  la puissance publique : son prĂ©sident, Thierry Boudaud – qui n’a pas rĂ©pondu Ă  Mediapart –, a dĂ©clarĂ© le mois dernier Ă  La Nouvelle RĂ©publique que l’avenir des rĂ©serves dĂ©pendait dĂ©sormais de l’implication du dĂ©partement.

Coralie Dénoues, présidente (divers droite) du conseil départemental des Deux-SÚvres et fervente partisane des mégabassines, se montre ouverte à cette idée. « Que ce soit par une participation à la gouvernance ou un soutien financier, tout est étudié et sera voté en assemblée départementale », nous précise-t-elle.

Mais pourquoi soutenir un modĂšle Ă©conomique qui ne tient plus debout ? « C’est plus complexe que cela, conteste Coralie DĂ©noues. Il a fallu investir pour protĂ©ger les rĂ©serves existantes, on ne peut pas juger sur la base d’un projet mis sur pied avant les Ă©vĂ©nements de Sainte-Soline. Ce qui s’est passĂ© n’était pas du tout prĂ©vu. » Il faut maintenant du temps pour « analyser tout cela », plaide l’élue, qui prĂ©cise que le projet de stockage d’eau doit se dĂ©velopper « dans le cadre du protocole de 2018 ».

Ce protocole impliquait notamment, en contrepartie des financements publics, la rĂ©duction de moitiĂ© des intrants chimiques sur le secteur. Objectif qui n’a pas Ă©tĂ© atteint, comme le soulignait il y a deux ans un rapport de l’agence de l’eau Loire-Bretagne : sur les cinquante-six fermes concernĂ©es, seulement sept ont diminuĂ© leur consommation de pesticides. « Il serait regrettable que les fonds publics et les efforts engagĂ©s ne puissent pas porter les fruits qu’on attend d’eux », s’était agacĂ©e l’agence, financeuse Ă  hauteur de 50 %.

MalgrĂ© tous les signaux nĂ©gatifs, Guillaume Soulisse ne veut pas abandonner le modĂšle des mĂ©gabassines. Pour lui qui est en bio, c’est ce qui lui permettrait de sĂ©curiser des cultures Ă  forte valeur ajoutĂ©e, comme le chia et les lentilles. « Mais s’il s’agit de construire des structures pour qu’elles soient dĂ©gradĂ©es, il vaut mieux ne pas avoir de nouvelles bassines », soupire-t-il. L’horizon est en tout cas « bien ombragé » pour la construction de la rĂ©serve dont il dĂ©pend, sur la commune de MauzĂ©-sur-le-Mignon.

À peine un tiers des bassines prĂ©vues ont abouti

Pompant de l’eau dans les nappes l’hiver pour arroser des champs en plein Ă©tĂ©, les mĂ©gabassines constituent, selon de nombreux scientifiques, une maladaptation dans une rĂ©gion en dĂ©ficit hydrique depuis les annĂ©es 1980.

Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, plus d’une centaine de rĂ©serves se prĂ©parent dans les dĂ©partements de VendĂ©e, Deux-SĂšvres, Charente-Maritime et Vienne. Elles sont portĂ©es par une quinzaine de structures diffĂ©rentes, dont la Coop de l’eau 79.

À ce jour cependant, Ă  peine un tiers des bassines prĂ©vues sont en activitĂ©. Seuls les projets vendĂ©ens ont Ă©tĂ© menĂ©s Ă  terme au dĂ©but des annĂ©es 2000. Les autres sont bloquĂ©s par la justice, abandonnĂ©s par les irriguants ou encore en attente.

La Coop de l’eau 79 n’est pas la seule structure Ă  boire la tasse. La sociĂ©tĂ© d’économie mixte Caeds (Compagnie d’amĂ©nagement des eaux des Deux-SĂšvres), qui gĂšre cinq bassines creusĂ©es il y a une quinzaine d’annĂ©es dans un autre coin des Deux-SĂšvres, a accusĂ© en 2023 un exercice dĂ©ficitaire de 150 000 euros, soulignait il y a quelques mois La Nouvelle RĂ©publique. En VendĂ©e, deux structures s’interrogent sur les coĂ»ts de sĂ©curisation des sites existants, selon Le Figaro. Le quotidien relĂšve Ă©galement que des assureurs prennent leurs distances : Axa s’est retirĂ©e d’une structure vendĂ©enne, et le contrat entre Groupama et la Coop de l’eau 79 a Ă©tĂ© modifiĂ© pour tenir compte des nouveaux risques.

* Pierre est un prĂ©nom d’emprunt, cet agriculteur ayant requis l’anonymat.

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https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/011125/deux-chantiers-de-bassines-bloques-par-des-fouilles-archeologiques

Deux chantiers de bassines bloqués par des fouilles archéologiques

Selon les informations de Mediapart, les services de l’État ont prescrit des fouilles sur deux des sites concernĂ©s par les projets de rĂ©serves de la Coop de l’eau 79. Des traces de civilisation gauloise et nĂ©olithique ont Ă©tĂ© identifiĂ©es.

Amélie Poinssot 1 novembre 2025 à 10h43

C’est un nouveau caillou dans la chaussure des promoteurs de mĂ©gabassines. Ou plutĂŽt des tessons, des fragments de poterie qui signalent un habitat humain trĂšs ancien
 Selon les informations de Mediapart, deux des sites prĂ©vus dans les Deux-SĂšvres par la Coop de l’eau 79 pour ses projets de rĂ©serves s’avĂšrent avoir Ă©tĂ© occupĂ©s Ă  l’époque gauloise et au nĂ©olithique. Une dĂ©couverte qui pourrait conduire Ă  ce que ces stockages d’eau destinĂ©s Ă  l’irrigation agricole ne voient jamais le jour.

Dans les pĂ©rimĂštres concernĂ©s par les projets, des diagnostics ont en effet Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par la direction rĂ©gionale des affaires culturelles (Drac) de Nouvelle-Aquitaine. Et celle-ci a conclu, pour les emplacements situĂ©s dans les communes de MauzĂ©-sur-le-Mignon et d’Aiffres, Ă  une prescription de fouilles archĂ©ologiques. Des fouilles qui, selon la loi, doivent ĂȘtre financĂ©es par l’amĂ©nageur s’il veut poursuivre son projet. Or, la Coop de l’eau 79 – dont notre enquĂȘte montre les graves difficultĂ©s financiĂšres – n’a pas donnĂ© suite aux prescriptions des services de l’État. Ce qui aboutit, Ă  ce jour, Ă  une suspension de facto des projets.

Selon les sondages effectuĂ©s, qui portent sur 10 % du terrain, le premier site concernĂ©, au lieu-dit le Fief du Petit Bitard, Ă  MauzĂ©-sur-le-Mignon, pourrait recouvrir un espace de peuplement et de rites funĂ©raires remontant Ă  l’époque gauloise. C’est en tout cas ce qui a Ă©tĂ© conclu par les services de l’État, sur la base des diffĂ©rents vestiges qui ont Ă©tĂ© trouvĂ©s.

« Il y a des trous de poteaux de bois, qui soutenaient les maisons, nous indique le service rĂ©gional de l’archĂ©ologie de Nouvelle-Aquitaine. Ils se voient particuliĂšrement bien car MauzĂ©-sur-le-Mignon repose sur du calcaire. Les emplacements d’au moins deux bĂątiments sur poteaux ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©s. Cela date d’il y a trois mille ans. »

Non loin de ces trous, un ancien four, « avec des pierres brĂ»lĂ©es Ă  l’intĂ©rieur », a Ă©tĂ© identifiĂ©. « Quand on trouve un four au cours d’un diagnostic, on en trouve en gĂ©nĂ©ral plusieurs dans les fouilles qui suivent », ajoute le service rĂ©gional de l’archĂ©ologie. Deux petits fossĂ©s circulaires d’une vingtaine de mĂštres de diamĂštre ont en outre Ă©tĂ© repĂ©rĂ©s. « Ces formes sont gĂ©nĂ©ralement associĂ©es Ă  des structures funĂ©raires, c’est la premiĂšre fois qu’on en trouve dans cette zone ; celles que l’on connaĂźt se trouvent plutĂŽt vers Niort. »

Village néolithique

Pour les services de l’État, ces vestiges, en bon Ă©tat de conservation, sont d’un intĂ©rĂȘt certain sur l’habitat et les rites funĂ©raires proto-historiques, dans ce coin des Deux-SĂšvres oĂč la civilisation gauloise reste assez mal connue. Il faut donc sauver ces traces qui disparaĂźtraient intĂ©gralement au premier passage d’une pelleteuse, et autour desquelles des restes de poteries pourraient Ă©galement ĂȘtre mis au jour. Au total, 4,7 hectares doivent ĂȘtre fouillĂ©s sur les 8 hectares retenus pour la construction de la bassine.

Le service rĂ©gional de l’archĂ©ologie de Nouvelle-Aquitaine l’a fait savoir Ă  la Coop de l’eau dĂšs septembre 2021. Cette derniĂšre, jusqu’à ce jour, n’a jamais donnĂ© suite. D’aprĂšs nos informations, le coĂ»t des fouilles est estimĂ© en interne Ă  plus de 800 000 euros. Une dĂ©pense insoutenable au regard de l’état financier de la coopĂ©rative ? QuestionnĂ© sur ce point, son prĂ©sident, Thierry Boudaud, ne nous a pas rĂ©pondu.

Plus rĂ©cemment, fin 2024, c’est un autre diagnostic du service rĂ©gional de l’archĂ©ologie qui est venu compromettre l’avenir de projets de la Coop de l’eau. EffectuĂ© Ă  une vingtaine de kilomĂštres de lĂ , direction nord-est, sur la commune d’Aiffres, ce sondage est tombĂ© sur une pĂ©pite : les traces d’un petit village nĂ©olithique.

Selon nos informations, l’État a prescrit, lĂ  aussi, une fouille archĂ©ologique sur une superficie de 2 hectares, et la mĂ©gabassine prĂ©vue Ă  cet endroit, sur le lieu-dit Gratteloup, ne pourra pas voir le jour tant que le chantier de fouille n’aura pas Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©. « Nous avons trouvĂ© une sĂ©rie de grandes fosses, qui correspondent probablement Ă  l’emplacement de bĂątiments sur poteaux entourĂ©s d’une palissade », nous prĂ©cise-t-on. Des silex et des tessons sont Ă©galement prĂ©sents sur le site.

La pĂ©riode concernĂ©e ? 6 000 Ă  2 000 ans avant notre Ăšre, une Ă©poque pour laquelle les traces – Ă  l’exception des dolmens ou menhirs – ne sont pas spectaculaires, mais prĂ©cieuses pour la recherche. « Ce sont des trouvailles rares, on n’en a pas tous les matins, tĂ©moigne un conservateur. Ce site constitue une belle fenĂȘtre pour la connaissance de la pĂ©riode. »

La Coop de l’eau n’a pas donnĂ© suite non plus Ă  cette prescription, et aucune fouille, Ă  ce jour, n’a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e Ă  cet endroit. Il faut dire que les prescriptions de fouilles par l’État – qui touchent seulement 1 % des dossiers Ă©tudiĂ©s – conduisent souvent Ă  l’abandon des projets, le coĂ»t de ce type de chantier archĂ©ologique, se comptant en centaines de milliers d’euros, Ă©tant difficilement supportable pour les amĂ©nageurs.

Le projet de mĂ©gabassine Ă  Aiffres est-il maintenu malgrĂ© tout ? Le prĂ©sident de la Coop de l’eau 79 a laissĂ© nos questions sans rĂ©ponse.