En moins de dix ans, la part des logements vacants et surtout des rĂ©sidences secondaires a explosĂ©. PrĂšs d’une habitation parisienne sur cinq est aujourd’hui inoccupĂ©e.

Le Parisien qui se balade nez au vent, Ă  la tombĂ©e de la nuit, dans le 8e arrondissement peut s’étonner de ne trouver parfois aucune fenĂȘtre Ă©clairĂ©e. Dans ce quartier chic, les agences immobiliĂšres de luxe aiment cibler des acheteurs Ă©trangers Ă  la recherche d’un pied-Ă -terre, pour quelques jours par an passĂ©s dans la capitale. Selon un conseiller de l’agence Belles demeures de France, « il y a, dans le secteur de la place François-Ier, de trĂšs beaux immeubles fermĂ©s depuis vingt ans ». Cet arrondissement « a perdu prĂšs de la moitiĂ© de ses habitants en cinquante ans », soulignait d’ailleurs la maire du 8e, Jeanne d’Hauteserre, lors d’un Conseil de Paris, le 5 octobre, en dĂ©plorant l’existence d’immeubles « dĂ©sespĂ©rĂ©ment vides ».

Pour chiffrer ce phĂ©nomĂšne, la Ville de Paris s’est tournĂ©e vers l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), qui a rendu, mardi 5 dĂ©cembre, un rapport « qui nous prĂ©occupe beaucoup », reconnaĂźt Emmanuel GrĂ©goire, premier adjoint Ă  la maire de Paris. L’étude fait Ă©tat, sur la pĂ©riode rĂ©cente, d’une explosion du nombre de logements inoccupĂ©s : en 2020, ils reprĂ©sentaient 19 % des habitations Ă  Paris (262 000 logements), contre 14 % en 2011 (191 000 logements). Une Ă©volution qui se traduit par une baisse de la population parisienne, la capitale ayant perdu sur cette pĂ©riode en moyenne 11 500 habitants chaque annĂ©e, alors qu’elle en gagnait prĂšs de 14 000 par an entre 2006 et 2011.

Ce terme « inoccupé » englobe toutefois diffĂ©rents types d’habitations, qui ont pour point commun de ne pas ĂȘtre des rĂ©sidences principales : des logements vacants, des rĂ©sidences secondaires et des logements occasionnels, utilisĂ©s pour des raisons professionnelles – ces deux derniĂšres catĂ©gories pouvant abriter des occupants de temps Ă  autre.

C’est la courbe de ces rĂ©sidences secondaires et occasionnelles qui a grimpĂ© en flĂšche ces derniĂšres annĂ©es, leur part passant de 3 % dans les annĂ©es 1970, Ă  moins de 7 % en 2011 puis Ă  10 % en 2020 (soit 134 000 logements). Une augmentation « en partie liĂ©e Ă  la hausse des locations meublĂ©es touristiques non dĂ©clarĂ©es », avance l’APUR. Ce dernier a recensĂ©, en fĂ©vrier 2023, 55 000 annonces sur le seul site d’Airbnb et estime que prĂšs de 90 000 logements sont utilisĂ©s Ă  Paris pour de la location touristique, avec un taux de fraude trĂšs Ă©levĂ©. La Ville de Paris estime en effet qu’environ 25 000 appartements parisiens sont dĂ©tournĂ©s de leur usage de rĂ©sidence principale, pour ĂȘtre louĂ©s sur des plates-formes de courte durĂ©e, tout au long de l’annĂ©e.

Par comparaison, la part des logements vacants a peu Ă©voluĂ© au cours de ces cinquante derniĂšres annĂ©es. Paris en compte aujourd’hui 128 000 (9 % des habitations), mais cette vacance est pour l’essentiel « frictionnelle », liĂ©e Ă  la rotation des mĂ©nages entre dĂ©mĂ©nagements et emmĂ©nagements. En rĂ©alitĂ©, moins de 19 000 logements s’avĂšrent vacants depuis plus de deux ans (soit 1,3 % des logements parisiens). Ce qui reprĂ©sente malgrĂ© tout cinq annĂ©es de construction Ă  Paris.

L’étude de l’APUR permet par ailleurs d’en savoir davantage sur les propriĂ©taires de rĂ©sidences secondaires. Une petite moitiĂ© d’entre eux sont franciliens – ce qui dessine des profils d’investisseurs – et 20 % habitent Ă  l’étranger. La rĂ©partition gĂ©ographique de ces appartements apparaĂźt « trĂšs inĂ©gale ». Le riche Centre-Ouest parisien concentre les rĂ©sidences secondaires. Le 7e arrondissement en compte ainsi une proportion neuf fois plus Ă©levĂ©e que le 20e. La palme du logement inoccupĂ© au sens large revenant au 8e arrondissement, avec un taux de 36 %.

Pour la municipalitĂ©, il est donc aujourd’hui temps de « mettre sur la table la question de la soutenabilitĂ© des logements inoccupĂ©s ». De 2011 Ă  2020, la ville a produit 37 000 logements mais constatĂ© l’apparition de 72 000 logements inoccupĂ©s supplĂ©mentaires, soit une perte de 35 000 rĂ©sidences principales.

« Nous allons continuer Ă  construire en dĂ©pit de la faible disponibilitĂ© fonciĂšre, nous allons faire de la surĂ©lĂ©vation, de la transformation de locaux d’activitĂ©, avec des coĂ»ts moyens de sortie du logement qui vont monter en flĂšche dans les annĂ©es qui viennent, affirme Emmanuel GrĂ©goire. Mais si on continue Ă  subir la croissance des effets spoliatifs sur le stock de logements existants, on arrose le sable. »

Pour endiguer le phĂ©nomĂšne, la majoritĂ© parisienne rĂ©clame des outils lĂ©gislatifs, afin de rendre la fiscalitĂ© des logements inoccupĂ©s plus dissuasive. « Notre objectif, c’est d’obtenir la multiplication par deux ou trois de la taxe sur les logements vacants et de la taxe d’habitation sur les rĂ©sidences secondaires », prĂ©cise Jacques Baudrier, adjoint Ă  la maire en charge du logement. Emmanuel GrĂ©goire rĂ©clame Ă©galement une mise en Ɠuvre facilitĂ©e de la rĂ©quisition des logements vacants et des restrictions concernant les rĂ©sidences secondaires (en Suisse, il existe par exemple un quota maximum par commune). « La prioritĂ© doit ĂȘtre de loger les gens, affirme-t-il, pas de protĂ©ger le droit individuel Ă  possĂ©der une deuxiĂšme ou une troisiĂšme rĂ©sidence. » D’aprĂšs les scĂ©narios dĂ©mographiques de l’APUR, si la part des logements inoccupĂ©s continuait Ă  progresser selon la tendance rĂ©cente, Paris pourrait perdre 247 000 habitants d’ici Ă  2040.

  • un_blob@jlai.lu
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    11 months ago

    Tu crois qu’on a le temps d’en acheter un pour louer pendant les jo ? /s